lundi 8 octobre 2007

Le tango ça se danse comme...



Je me souviens de cette nuit où le vin était déjà largement terminé et où il avait fallu se rapatrier sur un erzatz de cocktail au tabasco et au Bailey's, chose qui, d'ordinaire, nous aurait laissé d'une humeur capricieuse. Mais il faisait chaud probablement (je ne sais plus), et la cadreuse du film nous suppliait et suppliait pour une démonstration immédiate, et globalement c'était une bonne idée, dans la nuit, sous les fards de la lampe en plastique galvanisé de la cuisine, et en regardant la cadreuse il était difficile de dire non et nous avons dit oui. En deux temps. Le sang qui monte à chaque cadence, dit la chanson, comme un serpent, l'haleine mélée, les yeux fermés pour mieux entendre - et P. avec ses grands gestes volontaires, je suppose qu'il entendait aussi et surtout l'haleine, l'haleine, c'est quelque chose après une volée de cocktail expérimentaux. Et la cadreuse riait et nous avons ri. Peut-être que ça ne se fait pas. Peut-être qu'il faut se regarder de biais et exhiber toute la fierté accumulée durant la puberté. Malgré nos cambrures respectives, ni moi ni P. n'avons resisté aux assauts du Bailey's en pleine consécration.

vendredi 5 octobre 2007

Toit concurrent



Le véritable évènement de ces derniers jours se situe à un jet de pierre de ma fenêtre, mais mon polaroïd m'ayant été soustrait dans l'un de mes précieux moments d'inattention - polaroïd aujourd'hui en route vers une ville de province du nord, région de laquelle je proviens moi aussi, par l'une des ramifications du récit arborescent qui me compose, et à bien y réfléchir c'est un juste retour des choses que de laisser aller mon appareil vers ces origines auxquelles je ne consacre pas beaucoup d'intérêt - je ne peux que constater, muet, la gigantesque entreprise multilingue qui s'érige en face de chez moi. Et ce sont, dans ma chambre et dès sept heures trente du matin, des jurons en portugais et en espagnol qui pénètrent la pièce et commentent l'avancée de cet énorme toîture noire qui s'élève, relativement branlante, il faut le remarquer. Le plus impressionant n'est pas tant, d'ailleurs, que les ouvriers cohabitent dans les filets des échaffaudages en plusieurs langues; le plus impressionant, d'ici, c'est la plaque obscure et gigantesque qui maintenant doit flotter à près de cinquante mètre du sol, comme la longue cape d'un super-héros pétrifié en plein ciel. Ou comme un orage figé, sec, un peu métallique. Pour conjurer la nouvelle obscurité de mon appartement, je sors régulièrement, et aujourd'hui je vois mon ami M. qui m'offre, en guise de félicitation pour l'obtention de mon diplôme universitaire, un livre qui porte le nom de "Tribulations d'un précaire". Je bénis son sens de l'humour et dois bien admettre que, ces prochains jours, ma précarité sera tout à fait ambulatoire.